S’il n’existe pas de définition figée de l’agriculture régénératrice, son objectif est bien de favoriser la capacité des écosystèmes agricoles à se régénérer, en d’autres termes, les aider à reprendre vie. Développés pour s’inscrire dans les chaînes de valeur des entreprises, les projets d’agriculture régénératrice menés par Reforest’Action répondent à des problématiques environnementales autant que sociales et économiques. Trois enjeux fondamentalement liés : la sécheresse, les inondations, les fortes chaleurs, la salinisation des terres, la fluctuation des marchés ou encore la disponibilité des semences peuvent menacer la pérennité des cultures et ainsi mettre en péril toute la chaîne d’approvisionnement. Notre intervention vise alors à rechercher la résilience de l’écosystème sur le long terme, tout en maintenant la viabilité économique des activités. « L’idée d’un projet d’agriculture régénératrice est de proposer un modèle équilibré et durable pour engendrer des revenus alternatifs et complémentaires, tout en préservant le statut de l’agrosystème », explique Jean-Christophe, Project Manager chez Reforest’Action. L’approche de Reforest’Action permet de pérenniser une production agricole donnée, d’en développer de nouvelles sur le même territoire et de générer un ensemble d’impacts positifs nets sur l’environnement et les hommes. Pour arriver à ce résultat, adopter la bonne démarche est clé.
La conception d’un projet d’agriculture régénératrice est une équation complexe à plusieurs entrées. La solution recherchée est l’identification de leviers capables d’optimiser les dynamiques naturelles de l’écosystème. La faisabilité de cette optimisation est évaluée durant les phases de réflexion et d’expérimentation qui précèdent la réalisation du projet sur le terrain et garantissent sa durabilité. Pour Jean-Christophe, dont la mission consiste à concevoir et mettre en œuvre des projets d’agriculture régénératrice en zones tropicales, il s’agit avant tout de mettre en adéquation l’expérience des hommes et des femmes de terrain avec le cadre scientifique qui les concerne : « si nos diagnostics, nos études, nos projections sont autant que possible basés sur des données et une méthode scientifiques, l’objectif est bien d’aboutir à des propositions adaptées au contexte, et validées par les principaux concernés : les agriculteurs. Aucune transition n’est envisageable sans leur absolu engagement ». Ce travail de l’ombre s’appuie sur une démarche pragmatique, ancrée dans le contexte local et centrée sur la génération de bénéfices mesurables.
La compréhension du contexte local : une démarche basée sur la science
Les étapes de conception d’un projet d’agriculture régénératrice sont en grande partie regroupées dans ce qu’on appelle “l’étude de faisabilité”, qui représente un premier jalon indispensable. D’un point de vue scientifique, cette étude permet d’analyser la viabilité globale du projet et d’évaluer la pertinence des solutions envisagées. Il se compose d’éléments cruciaux tels que les objectifs à atteindre, les freins potentiels au projet, le diagnostic de l’exploitation agricole et de son environnement, les hypothèses à tester, les propositions de leviers à activer et les indicateurs de suivi à mesurer. L’étude de faisabilité se matérialise par un document de synthèse qui regroupe à la fois les résultats des analyses préalables et des propositions de potentielles solutions à mettre en place. Mais derrière ces quelques pages se cache un travail de préparation substantiel, en lien direct avec le terrain et qui implique toutes les parties prenantes. « L’étude de faisabilité consiste à comprendre les dynamiques globales de la zone pour proposer un schéma de mise en œuvre », précise Jean-Christophe. Le succès d’un projet est bien plus certain, et les impacts générés maximisés, lorsqu’une étude de faisabilité est menée en amont.
Infographie des étapes de conception d'un projet d'agriculture régénératrice, regroupées au sein de l'étude de faisabilitéLa réalisation de diagnostics portant sur des paramètres clés
Une fois les objectifs du projet définis, il convient d’effectuer une analyse approfondie du contexte local. Comprendre le fonctionnement de la production agricole, en considérant ses composantes environnementales, sociales et économiques, est un prérequis avant d’envisager le design du projet. Cela permet de dresser la liste des points forts et opportunités, mais aussi des faiblesses et menaces à prendre en considération. La première partie de l’étude de faisabilité s’articule donc autour de plusieurs diagnostics, aussi appelés audits, basés sur une méthode scientifique. Les paramètres étudiés diffèrent en fonction du projet et de ses objectifs, mais intègrent de façon systématique les éléments suivants :
1. Le diagnostic de l’exploitation agricole : le projet doit impérativement s’inscrire dans un système de production établi. C’est pourquoi les pratiques agricoles, les itinéraires techniques ainsi que les processus de transformation dont il se compose font l’objet d’un diagnostic. Ce dernier est destiné à évaluer le niveau actuel de durabilité et de conservation de la ferme, son potentiel d’adaptation, ou encore à mesurer le risque éventuel d’un changement de pratiques.
2. Le diagnostic de l’écosystème local : en analysant les différents aspects de la zone du projet, il est possible de comprendre les dynamiques socio-écologiques qui régissent le milieu dans lequel est implantée l’exploitation agricole. Ce diagnostic s’intéresse aux piliers fondamentaux d’un projet régénératif : l’eau, le sol, la biodiversité et les caractéristiques socio-économiques. Les résultats des différentes analyses permettent entre autres d’identifier les bouleversements climatiques subis et à venir, de caractériser les ressources disponibles et d’identifier les zones à restaurer en priorité.
3. Le diagnostic des chaînes de valeur : dans le cadre des projets d’agriculture régénératrice, Reforest’Action intervient dans la chaîne de valeur des entreprises, c’est-à-dire au cœur de leur approvisionnement en matières premières. Ce diagnostic vise à réaliser une étude de marché de la production agricole en question, dans la région ou le pays concerné, afin de mettre en évidence le potentiel économique du projet. L’objectif de cet examen est de guider la réflexion vers la mise en place de chaînes de valeur alternatives et régénératrices, qui permettraient de connecter les problématiques du marché avec les problématiques de production, vers l’instauration de revenus durables et une meilleure conservation du milieu naturel.
Ces différentes analyses peuvent être effectuées sur le terrain, lors de déplacements ponctuels parfois appelés audits, ou à distance au travers d’une revue de littérature, mais nécessitent dans les deux cas une collaboration solide entre les différentes parties prenantes. Il s’agit d’un partage de connaissances entre le fournisseur agricole et Reforest’Action, développeur du projet. La réalisation de diagnostics implique également une dimension temporelle importante. Comme le souligne Jean-Christophe, l’idée de cette phase préparatoire est de « percevoir les dynamiques passées pour en projeter les évolutions à cinq, dix ou même vingt ans, au fil de la vie du projet. » Conformément à la méthodologie scientifique, dresser un état de référence a pour avantage de limiter le nombre de modèles régénératifs à développer dans la suite de l’étude de faisabilité, en identifiant ceux les mieux adaptés au milieu et au mode de gestion agricole en vigueur.
La culture de fleurs à parfum au nord-ouest du Maroc
À Khémisset, au nord du Maroc, Reforest’Action travaille au développement d’un projet d’agriculture régénératrice au sein de la chaîne de production d’une Maison de parfum parisienne, et en collaboration avec son fournisseur d’huiles essentielles végétales. Dans un cadre de changement climatique accru, l’objectif initial du projet était d’étudier le potentiel de mise en œuvre de pratiques visant à pérenniser la culture de fleurs à parfum.
Unité de distillation de fleurs à parfum, Maroc Huile essentielle obtenue après distillation des fleurs à parfum, MarocDans un premier temps, le diagnostic de la conduite de la ferme a permis de mettre en lumière tous les aspects qui pourraient faire l’objet d’un changement. Les étapes de culture des fleurs - entrant dans la composition des parfums de notre client - ont été analysées : fécondation, préparation de la semence et itinéraire technique (semis, repiquage, binage, irrigation, récolte). Par la suite, une analyse de la chaîne de valeur associée à la production d’huile essentielle a été effectuée : techniques de distillation (par vapeur et solvant), besoins énergétiques et utilisation potentielle de biomasse résiduelle*. Enfin, les diagnostics de l’écosystème et de son climat ont permis de prendre la mesure des conséquences de l’appauvrissement de la ressource en eau sur la production de plantes à parfum. Le stress hydrique dont souffre la région, dû en particulier à la baisse drastique de la pluviométrie, affecte directement la disponibilité en eau sur le site, et donc l’irrigation des parcelles. Effectuer un état des lieux était donc essentiel pour envisager des solutions régénératrices plausibles : à titre d’exemple, le choix des essences à implanter en agroforesterie découle directement de ce diagnostic alarmant, puisque seules les espèces les moins gourmandes en eau pourront survivre à une telle sécheresse. Pour Jean-Christophe, l’issue de cette phase de diagnostic est claire, bien que particulièrement complexe : « ici, le projet consiste avant tout à sélectionner des espèces végétales adaptées à la très faible ressource en eau disponible, dans un cadre de production d’huile essentielle ».
*La biomasse désigne les matières organiques végétales ou animales, pouvant devenir des sources d'énergie ou d’amendement. Ici, les résidus de plantes après distillation constituent une source de biomasse intéressante.
Arbres déracinés sur sol sec à l'issue d'une période de sécheresse prolongée, Maroc Récolte de fleurs à parfum dans une exploitation agricole au MarocLa validation des hypothèses : une démarche expérimentale
L’agriculture régénératrice poursuit un double objectif : accompagner la régénération des écosystèmes agricoles et conserver un rendement économiquement viable. Cette approche holistique nécessite l’adoption d’une démarche basée sur l’expérimentation, et promeut l’apprentissage et l’adaptation comme moteur du changement.
La proposition de leviers à tester dans le cadre d’une phase pilote
Après les constats, viennent les propositions de solutions. Quels sont les leviers envisagés par Reforest’Action et le partenaire agricole pour répondre aux problématiques soulevées, en cohérence avec le contexte local ? La deuxième partie de l’étude de faisabilité est dès lors dédiée à l’inventaire des procédés régénératifs concrets qui pourraient être mis en place sur le terrain et constituer le design du projet. Ces propositions suivent le schéma suivant :
1. Les hypothèses : toujours dans le respect d’une démarche scientifique, une liste d’hypothèses est tout d’abord dressée, dont le but est d’établir des relations de causalité. Autrement dit, de déterminer les liens entre les solutions envisagées et leurs impacts positifs. Ces hypothèses sont déclinées techniquement sous la forme de scénarios, et leur validation est conditionnée au résultat des expérimentations conduites sur le terrain lors d’une phase de test appelée « phase pilote ».
2. Les propositions de leviers (scénarios) : il s’agit ensuite de construire plusieurs scénarios, faisant appel à diverses techniques agroécologiques et dont la mise en œuvre expérimentale permettra de valider les hypothèses préalablement formulées. L'objectif de cette étape est donc d’aboutir à une sélection de leviers, choisis en fonction de leur impact environnemental (résilience de l'écosystème, adaptation au changement climatique), mais aussi de leur puissance agronomique et socio-économique (rendement, diversité des produits, diminution des intrants, augmentation des revenus), depuis l'échelle de la parcelle jusqu'à l'échelle du paysage. Dans cette optique, les parties prenantes locales sont consultées afin d’inclure leurs besoins et leurs intérêts prioritaires dans le choix des leviers.
3. Les indicateurs de monitoring : les leviers sélectionnés sont ensuite associés à des indicateurs de performance, qui permettront une mesure d’impact précise dans le futur. Si les leviers environnementaux peuvent facilement donner lieu à des indicateurs quantitatifs, certains indicateurs sont davantage d’ordre qualitatif, comme l’amélioration du bien-être des agriculteurs, des riverains ou des communautés.
4. La phase pilote : le projet démarre par une phase d’expérimentation préliminaire, dont la durée dépend de chaque projet et peut aller jusqu’à plusieurs années. Les scénarios choisis sont alors testés à petite échelle afin de confirmer leur faisabilité et leur réplicabilité avant de pouvoir construire un plan de mise en œuvre à plus grande échelle. Durée de développement, coûts réels, niveau de compétence des partenaires : il s’agit d’une étape cruciale en vue de vérifier et d’affiner les solutions identifiées. Dans certains cas, l’étude de faisabilité peut être menée conjointement et en s’appuyant sur le développement d’un projet pilote. Cette phase expérimentale est également l’occasion d’accroître notre connaissance de la zone et de son fonctionnement, par le biais d’un raisonnement empirique cette fois. La réussite d’un pilote est mesurée au travers des indicateurs clés, constituant les prémices de la mesure d’impact qui assurera le bon déroulement du projet dans la durée.
Concrètement, il existe une variété de leviers agroécologiques pouvant être activés dans le cadre d’un projet d’agriculture régénératrice. Reforest’Action accompagne ses clients dans l’optimisation de leur chaîne de valeur basée sur le Vivant au travers de recommandations sur mesure. Nous leur proposons une diversité de techniques : agroforesterie intra-parcellaire, plantations d'arbres et d'arbustes de bordures, création d’îlots boisés, agriculture de conservation des sols, utilisation de biochar, etc. Par essence, l’agriculture régénératrice porte une attention particulière à la restauration des sols : une priorité lorsque l’on sait que 90% des sols dans le monde devraient être dégradés d'ici 2050*. L’ambition de Reforest’Action est également de proposer la mise en place de leviers à l’échelle du paysage, soit en dehors du système de production. Par exemple, restaurer les forêts environnantes, afin d’inscrire l’exploitation agricole dans des corridors écologiques continus, peut avoir de nombreux impacts positifs sur la qualité de la production et sur les conditions de vie des hommes qui en dépendent.
*FAO, Saving our Soils by all earthly ways possible, Highlighting some key achievements of the FAO-led Global Soil Partnership, Case Studies, 2022.
La production de coton biologique en Inde orientale
La production de fibres et de tissus synthétiques est l'une des industries les plus polluantes au monde et a un impact négatif sur la santé des hommes et de l’environnement. La culture de fibres naturelles, comme le coton, de manière durable et économiquement viable, reste un défi pour les exploitants agricoles. Kiabi s’engage depuis 2020 pour les forêts, avec la volonté d’agir là où son activité a le plus d’impact. Souhaitant aller encore plus loin, l’entreprise a récemment fait appel à l’expertise de Reforest’Action pour intervenir au cœur de sa chaîne de valeur, et notamment dans sa chaîne de production de coton en Inde. L’Inde est le pays comptabilisant la plus grande part de la production de coton biologique au monde. Sur le terrain, le projet est conduit chez plusieurs fournisseurs indirects de Kiabi, dont le groupe Pratima Organic Growers qui représente plus de 9 000 producteurs de coton et 10 000 hectares de plantations biologiques ou en conversion. En partenariat avec la coopérative de producteurs, les objectifs du projet sont au nombre de quatre : améliorer la viabilité économique de la culture du coton, favoriser l’autonomisation des producteurs, favoriser la durabilité écologique des cultures et restaurer les corridors écologiques qui composent le paysage.
Amorcé en mars 2022, ce projet d’agriculture régénératrice mené dans les États de l‘Odisha et du Madhya Pradesh au centre de l'Inde, est entré dans une phase pilote en 2023, tandis que l’étude de faisabilité complète a été finalisée par Reforest’Action en 2024. Selon Jean-Christophe : « Ce projet en Inde illustre parfaitement l’aspiration première de l’agriculture régénératrice : tendre vers la résilience d’une production donnée dans un contexte de changement climatique. Ceci implique de s’adapter à des scénarios nouveaux que l’on projette grâce à la science et au travail du GIEC. »
Champ de coton, État de l'Odisha, Inde Fibres de coton récoltées, État de l'Odisha, IndeLes diagnostics : le diagnostic climatique de la zone a mis en valeur un allongement de la période de sécheresse, des températures plus élevées, une réduction de la durée de la mousson et une plus grande intensité des précipitations. En conséquence, la zone, située dans le bassin versant de la rivière Tel, subit une pénurie d’eau affectant l’irrigation des cultures de coton. Les autres défis environnementaux auxquels la région fait face incluent la perte de biodiversité, notamment due à la destruction de la réserve forestière de Tikhari, qui entoure les villages concernés par le projet, au profit de la production agricole. En ce qui concerne les terres agricoles concernées par le projet, elles sont sous certification biologique et bénéficient donc d’un cadre de production incluant des préconisations d'itinéraires techniques, des conseils sur le choix des variétés, des formations, etc. Sur le plan socio-économique, les agriculteurs, dont la plupart dépendent du marché du coton pour vivre, souffrent de la dégradation des conditions climatiques qui exacerbe leur précarité. D’autre part, les communautés locales sont victimes de conditions sanitaires médiocres favorisant l’augmentation de maladies graves telles que la malaria. En outre, la pollution plastique dans les villages dégrade la qualité des eaux de consommation et menace les terres agricoles.
Les hypothèses et leviers envisagés : l'agroforesterie est une technique connue et pratiquée par les agriculteurs de la zone. Ce levier semble être une alternative pour diversifier les cultures, favoriser le retour de la biodiversité, permettre l’infiltration de l’eau dans les sols sableux et pierreux, augmenter les revenus alternatifs perçus par les producteurs et améliorer leur moyen de subsistance dans un délai raisonnable. Des arbres fruitiers et des arbres destinés à fournir du bois d’œuvre seront donc plantés pour accompagner la culture du coton biologique. La phase pilote, en cours depuis juin 2023, inclut la mise en place d’implantations agroforestières sur une surface de test et, en 2024, permettra l’activation d’autres leviers agronomiques portant sur la conservation des sols. Un volet socio-économique comprenant la formation des producteurs ou encore l’aide à l’accès au marché est également inclus dans cette période de test. Certaines mesures pour améliorer les conditions d’hygiène dans les villages autour de la zone du projet seront également mises en place.
Coopérative de producteurs de coton, État de l'Odisha, IndeEn conclusion, un projet d’agriculture régénératrice ne se limite pas à sa mise en œuvre sur le terrain. Les phases de diagnostic et d’expérimentation, qui ouvrent la voie au design final du projet, suivent une démarche scientifique la plus exigeante, inclusive et exhaustive possible. Afin de garantir le bien-fondé d’une telle approche, Reforest’Action a développé une expertise en interne, mais n’hésite pas à s’appuyer sur des partenaires légitimes et mondialement reconnus en matière d’agriculture durable. Vous souhaitez développer l'agriculture régénératrice au sein de votre chaîne de valeur et générer des impacts positifs nets sur la santé des sols, le climat, la biodiversité et la société en général ? N’hésitez pas à prendre connaissance de notre offre, renforcée par plus de dix ans d’expérience en agroforesterie.